Guinée : Alpha Condé s’effondre et s’entend avec Jeune Afrique

L’élection d’Alpha Condé en 2010 a suscité de vives critiques et de sérieuses interrogations. En violation systématique des lois électorales du pays, quatre mois s’écoulèrent entre le premier et le second tour de l’élection présidentielle. Très vite, les doutes qui ont entouré son élection ont été enterrés. Il suscitait aussi l’admiration, on parle de lui dans les marchés de Conakry comme un grand intellectuel capable de redresser le pays.

Kouchner était perçu comme le vice-président de la Guinée

Comme le rapporte France , Bernard Kouchner, ami proche d’Alpha Condé voyageait tous les mois à Conakry et avait le statut de No Borders Consultants. Dans les cercles intellectuels et au sein de l’administration guinéenne, Kouchner était perçu comme le vice-président de la Guinée, tels ses déplacements donnaient l’allure d’un chef qui bénéficie de toutes les faveurs du palais. Aussi, Alpha Condé a reconduit majoritairement les anciens hauts cadres de Lansana Conté. Après son premier mandat de 5 ans, en 2015, il brigue un deuxième mandat qui aurait dû être le second.

D’ailleurs, le président de la cour constitutionnelle d’alors, Kèlèfa Sall a donné le ton dans son discours lors de la prestation de serment d’Alpha Condé, le 14 décembre 2015. En coulisse, Alpha Condé reprochait au magistrat son discours et lui demandait constamment s’il était représentatif du peuple de Guinée pour affirmer que son second mandat en serait le dernier. Trois ans plus tard, en 2018, le magistrat perd sa qualité de président de la cour constitutionnelle. En juin 2017, lors du Forum de l’Etudiant guinéen, organisé par le Ministère de l’Enseignement supérieur, Alpha Condé est l’invité d’honneur.

« Nous avons rendu l’Afrique fière de nous. » La réaction colérique du Président qualifiant les étudiants de « mal éduqués » notamment, n’a pas été bien accueillie dans les universités de Conakry.

Les opposants… entrent en résistance et se radicalisent

Alpha Condé, ancien élève du lycée Turgot de Paris centre et étudiant en droit de Science Po Paris, puis de la Sorbonne était aveuglé par la Guinée qu’il aimait tant et dont il finit par faire sa chose. Dès 2018, connaissant ses intentions pour briguer un troisième mandat et conscient du risque qu’il pourrait encourir, notamment pour son régime et sa sécurité personnelle, il crée une nouvelle unité au sein de l’armée guinéenne appelée Groupement des Forces spéciales. Laquelle sera commandée par Mamady Doumbouya, un légionnaire de l’armée française à la retraite. En 2019, alors que l’opposition et la société civile le soupçonnaient de vouloir faire sauter le verrou sur la limitation des mandats et de se représenter une troisième fois, Alpha Condé nargue tous les critiques.

Alpha Condé, cet animal politique se dirige droit dans la gueule du loup sans le savoir. Bureaux de vote et matériels électoraux saccagés par les militants de l’opposition. De Conakry en passant par Mamou jusqu’à N’zérékoré , presque tout le pays s’embrase. Les opposants à un 3e mandat d’Alpha Condé, composés de militants de l’opposition et d’activistes de la société civile, mais aussi de journalises entrent en résistance et se radicalisent.

Le pays est au bord du précipice. Les manifestations géantes à Conakry et dans quelques villes, aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, notamment à Paris, Bruxelles, Québec, New York et Dakar n’ont pas découragé le régime d’Alpha Condé de faire un troisième mandat. La « communauté internationale » , les camarades et amis du Président guinéen lui en ont dissuadé. Bouffi d’orgueil, Alpha Condé n’en avait cure des conseils et des mises en garde.

Une révolte de la population est redoutée

Le 2 septembre 2020, il annonce officiellement sa candidature pour un 3e mandat. Cela crée des scènes de violences dans la majorité des grandes villes du pays. Alpha Condé déroule toute sa stratégie au prix du sang et des arrestations sommaires. Le 18 octobre de la même année, la présidentielle s’est tenue à Conakry dans une situation très tendue.

Durant la campagne présidentielle, le parti au pouvoir et tout le gouvernement se sont employés à stigmatiser une partie de la population et empêcher l’opposition de battre normalement campagne. Des propos impropres dans la bouche d’un président furent tenus par Alpha Condé. Il indique dans une de ses allocutions depuis le palais présidentiel Sékoutoureyah, d’où il faisait sa campagne en visioconférence et retransmise par le média de service public, la RTG. D’abord à Kankan le 19 septembre puis à Siguiri le 23 septembre.

« Le Foutah n’a présenté aucun candidat à part Cellou Dalein Diallo, ce qui implique que tous les autres candidats sont venus contre moi. Les malinkés, comprenez que quiconque vote pour un autre candidat, a voté pour Cellou Dalein Diallo. » Alpha Condé avait perdu en popularité et en crédibilité, tant il a passé 11 ans au pouvoir à promettre la construction d’usines de bonbons, de transformation de la pomme de terre en purée ou encore de doter chaque étudiant d’une tablette et chaque tailleur d’une machine. Après avoir créé la psychose au sein de la communauté, Alpha Condé ordonne le 27 septembre en pleine campagne électorale, la fermeture des frontières avec la Guinée-Bissau, le Sénégal et la Sierra Léone.

Cette fermeture intervient au moment où le principal parti d’opposition, l’UFDG dirigé par Cellou Dalein Diallo, acheminait du matériel de campagne , dont des tee-shirts et des gadgets. Les trois pays entretiennent de bons rapports avec Cellou Dalein Diallo. Aussi, à en juger par les résultats des dernières élections en Guinée, il y détient un électorat presque majoritaire, même s’il est très marginal. Il fallait donc empêcher ces Guinéens de l’étranger de voter en faveur du président de l’UFDG mais surtout de rejoindre le pays.

Puisqu’officieusement, ils pourraient venir soutenir les partisans de l’opposition lors de protestations électorales et postélectorales. Le soutien affiché et totalement assumé du Président Umaro Sissoco Embaló à Cellou Dalein Diallo et la proximité de ce dernier avec le vice-président sierra-léonais, Mohamed Juldeh Jalloh, mais aussi son amitié connue avec le Président Macky Sall. Le 18 octobre 2020, l’élection présidentielle s’est tenue dans un calme précaire. Le 24 octobre, Alpha Condé sera donné vainqueur par la Ceni avec 59,4% des suffrages exprimés, contre 33,5% pour son principal adversaire Cellou Dalein Diallo.

Mais ce dernier s’était déjà proclamé victorieux de l’élection, le lendemain même du vote. Le samedi 7 novembre 2020, la cour constitutionnelle déclare Alpha Condé victorieux de l’élection et rejette les recours des candidats de l’opposition. Malgré le tissu social complètement effiloché, une précarité galopante et un isolement international de mieux en mieux visible, le régime d’Alpha Condé ne reculera devant rien. Fragilisation totale de l’ancienne troisième force politique guinéenne, le parti UFR dirigé par Sidya Touré.

Plus de manifestations en Guinée. Indiscutablement, Alpha Condé a mis tout le monde au pas. A Conakry, on entend les mouches voler. En outre, espérant avoir un répit en procédant à des arrestations sommaires, le régime n’en connaîtra aucun.

La chute du Tsar

A rappeler que le 1er septembre 2020, la veille même de l’annonce par Alpha Condé de sa candidature à un troisième mandat, s’est tenue une réunion dans la préfecture de Dubréka. C’est-à-dire, au domicile du Kountigui Elhadj Sekhouna Soumah, personne morale représentant la région de la Basse-Guinée. Etaient conviés et présents à cette réunion, les trois autres sages des régions de la Haute-Guinée, la Moyenne-Guinée et la Guinée-Forestière. Ces sages, considérés comme des autorités morales et traditionnelles, étaient réunis pour adopter une position commune face au troisième mandat d’Alpha Condé.

Une troisième brouille qui sape totalement l’image du régime et creuse le fossé avec le peuple. Dans ce climat de méfiance et de rupture de confiance entre les acteurs guinéens, intervient le dimanche 5 septembre 2021, à la surprise générale, un coup d’Etat contre le Président Alpha Condé. Ce coup d’Etat, une première en Guinée, est commandité par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, le patron du Groupement des Forces spéciales guinéennes. La manière dont le coup d’Etat s’est déroulé est digne d’un film de guerre d’Hollywood, où on met en scène l’influence militaire américaine.

Le récit du coup d’Etat est raconté doublement et différemment, une version plus crédible se dégage et heureusement. Par Jeune Afrique qui raconte les événements sous un angle d’opinion et de commentaires.

Jeune Afrique a montré… qu’il est un hebdomadaire de connivence

Tout le contenu de l’article de Jeune Afrique qui traite du sujet, par ailleurs signé par François Soudan, laisse entrevoir une action de communication et non d’information. Plus loin, il poursuit « Venu de sa base de Kaleya à Forécariah, en Basse- Guinée le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya fonce droit sur Kaloum, où il fait son entrée aux alentours de 8h du matin ». Première bonne fausse information. Il faut savoir que les éléments des forces spéciales ont opéré entre 2h et 4h du matin.

Cette information a été rapportée par Africaguinee. Le site d’information guinéen a recueilli le témoignage d’un garde d’Alpha Condé, présent dans le palais cette nuit-là et blessé par les assaillants. Aucune source crédible n’indique l’heure précise à laquelle ils se sont introduits dans le palais. L’armée guinéenne, quelles que soient les critiques qu’on pourrait lui porter, est une armée républicaine et non une armée régulière dont la vocation est d’être fidèle à un homme et non aux institutions.

On aurait dit cela de l’armée ivoirienne par exemple, on comprendrait, au regard de sa configuration actuelle. François Soudan avance encore que « pendant ce temps, si l’on en croit un témoin qui a pu se rendre sur les lieux après les faits, le palais aurait été entièrement « visité » par les hommes de Doumbouya et nul doute que les sacs de cash qu’à l’instar de la plupart de ses homologues du continent Alpha Condé conservait dans sa chambre et son bureau n’ont pas dû échapper à leur convoitise. Un peu partout dans la capitale, mais particulièrement dans les quartiers acquis à l’opposition, des scènes de liesse succèdent à l’apparition des premières photos sur les téléphones portables ». Une autre fausse information.

Attendu que le journal affiche d’ores et déjà sa prise de position, d’autant que rien ne certifie encore aujourd’hui cette information. L’article de Jeune Afrique parle de l’armée guinéenne ou encore de la Guinée comme une propriété privée d’Alpha Condé. En juillet 2011, le domicile privé du Président Condé fut attaqué par des éléments de l’armée guinéenne. Beaucoup parmi eux n’auraient aucun lien avec l’attaque de la résidence privée d’Alpha Condé.

« En conclusion, Alpha Condé a bien affronté les officiers de l’armée guinéenne. En sus de cela, les articles traitant du coup d’Etat en Guinée, produits par le magazine, sont dans leur majorité orientés et ne résistent pas à la réalité. Autrement, Jeune Afrique a montré durant les 11 ans de pouvoir d’Alpha Condé, qu’il est un hebdomadaire de connivence qui prête allégeance aux autoritaires du continent et qui produit des éditoriaux à flux tendu souvent signés par François Soudan. Jeune Afrique nous dit comment Alpha Condé a chuté mais pas le pourquoi.

Pour faire une analyse sur les situations quelque peu honorables qui secouent la Guinée, il faut avoir une lecture équilibrée. Prendre en compte la situation globale et revenir au fondement de la crise sociale et politique constitue l’arrière-plan essentiel de la compréhension du coup d’Etat et son lot de soutiens populaires. Le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya a réussi son coup d’Etat simplement parce que le pays était au bord de l’implosion et lui-même était dans le collimateur du régime et donc sur la sellette. En effet, les services de renseignement guinéens soupçonnaient sa proximité avec le Colonel président Assimi Goita, patron des forces spéciales maliennes.

Il a donc anticipé et mené ce coup de grâce.

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